Ça a pris beaucoup plus de temps que prévu mais j'ai réussi à finir le deuxième chapitre... hier ! J'ai conscience qu'il y aura peut-être qu'une seule personne qui le lira (ça me touche, merci :') ) mais bon ça viendra !
Chap 2Son corps tombait. Puis ralentit.
Sehsa ouvrit les yeux. Elle flottait presque, en l'air, poursuivant néanmoins sa lente descente. Elle se trouvait dans un long couloir cylindrique aux parois rocheuses pourpres s'étendant à l'infini. L'attention de l'adolescente fut attirée, dans son dos, par un liquide jaune pastel qui s'écoulait vers le bas. En suivant la trajectoire des yeux, Sehsa aperçut un petit îlot solitaire, flottant au milieu du vide, à l'instar de celui qu'elle avait percuté. Elle s'y dirigeait lentement ; elle finit par y poser le pied et fut surprise de découvrir que la gravité également était semblable. Elle soupira en s'écroulant sur ses genoux, mais se releva très vite avec un petit cri ; le sol était recouvert d’herbe brune à la consistance métallique qui piquait la chair nue de la jeune fille. L'incommode végétation ne montait pas plus haut que sa cheville, mais lui provoquait des frissons de malaise dans tout le corps.
Elle résolut donc de scruter les alentours ; l'eau jaunâtre s'écoulait dans une petite source au milieu de l'îlot, coulait paisiblement, puis retombait dans le vide, comme une chaîne infinie. Sans un bruit. Chaque mouvement que faisait la jeune fille, chaque fois que ses membres effleuraient la moindre pousse, cela semblait résonner monstrueusement fort dans le silence assourdissant. De l'autre côté de l'étendue du liquide, un arbre singulier se dressait fièrement ; le tronc était gris pâle, les feuilles rouge sang. Une chose était sûre ; elle n'était plus chez elle.
Sehsa sauta par dessus le filon d'eau jaune et s'approcha, envoûtée, de l'imposante forme qui dominait. Elle posa une main sur l'écorce rugueuse. Des cendres s'envolèrent, et ce fut comme de la neige triste. Absorbée par ce spectacle, la jeune fille ne remarqua pas l'animal qui s'approchait à pas de loup, et bondit quand il miaula sauvagement le défi. Elle se tourna vivement ; il ne s'agissait que d'Eden. Soulagée de savoir qu'il n'y avait aucune menace immédiate, elle baissa les yeux vers sa chemise ouverte, qu'elle referma avec une pudeur empressée.
Voir son petit chat avait rappelé à l'adolescente l'étrangeté de la situation ; où était-elle, si elle n'était plus chez elle ?
... Morte ? C'est ainsi qu'on mourrait ? Seule sur un îlot, avec le compagnon félin qui partageait son infortune ? Elle pinça les lèvres et s'accroupit pour mieux s'envelopper de ses bras. Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux. Phil devait être mort d'inquiétude. Et ses parents. Et le reste de sa famille. En proie au désespoir, elle laissa pour la deuxième fois depuis son réveil glisser son regard jusqu'à son poignet ; la marque qui était noire était devenue jaune comme la source qui coulait à deux mètres d'elle. Elle ignora cette bizarrerie et se recentra sur son malheur, quand son chat la feula. Interloquée, elle tourna la tête vers lui ; il avait le dos arqué, poils hérissés, griffes sorties. Il lui voulait du mal.
-Calme-toi, Eden, tenta Sehsa d'une voix mal assurée en approchant sa main.
Le félin se rua dessus et y planta sauvagement ses griffes. Avec un cri de surprise, l'adolescente ramena sa main, mais le petit animal y restait accroché. Ses attaques laissaient déjà dans la chair de profonds sillons très douloureux. Elle agita le bras de plus belle et parvint à déloger la créature devenue folle. Celle-ci regardait l'humaine désemparée d'un air menaçant, couchée dans l'herbe, dans la posture du prédateur.
-Eden, calme-toi ! réessaya la jeune fille.
Il lui sauta au visage. Surprise, elle recula de quelques pas, et trébucha sur l'herbe métallique. Elle tenta de se relever, mais une main mesurant au moins deux fois sa taille, venue de dessous l'îlot, lui saisit la cheville et commença à l’entraîner dans le vide.
Sehsa paniqua. Elle cria, hurla, pleura ; elle appelait désespérément à l'aide, et tentait de se retenir, mais ses doigts glissaient sur l'herbe traîtresse qui lui entaillait les paumes. S'approcher du rebord de l'îlot l'épouvantait. Son corps finit par basculer. Elle se tenait fermement, mais ses mains était trop douloureuses, et le sang dont elles étaient recouvertes les rendait glissantes.
-AIDE-MOI ! Hurla Sehsa, en un dernier sursaut d'espoir.
L'adolescente sentit ses bras être attrapés par deux poignes fraîches, puis elle fut tractée sur la terre ferme. L'étrange main n'opposa aucune résistance et se retira sans bruit.
La jeune fille se laisse choir sur l'îlot en pleurant. Une jeune femme l'allongea sur le dos.
-Eh, ça va ?
Sehsa sanglotait. Elle ne pouvait plus répondre, car une boule empêchait l'air de passer dans sa gorge. Elle ne voyait pas non plus, car ses yeux était inondés de larmes.
-Phil... gémit-elle.
Elle se lamenta de plus belle. La jeune femme l'observa sans savoir comment réagir, puis la releva et la serra contre elle.
-Là, tout va bien. Tu es sauvée.
L'étreinte était chaude et affectueuse. L'adolescente se laissa porter contre sa sauveuse. Malgré son nez qui coulait au fil de ses plaintes, elle sentait très nettement une douce odeur de fleur rassurante. Elle attendit un peu que les battements de son cœur s’apaisent et que ses pensées s'ordonnent.
-Je m'appelle Méline, dit doucement la jeune femme quand elle fut calmée.
-Moi, c'est Sehsa...
Celle-ci se releva et chercha un mouchoir dans ses poches. Mais elle n'en avait aucun. Méline lui en tendit un qu'elle accepta volontiers.
En regardant aux alentours, elle s'aperçut que son petit chat avait disparu de la surface de l'îlot.
-Comment es-tu arrivée ici ?
Sehsa se moucha et réfléchit.
-Je ne sais pas. J'étais chez moi, avec mon frère, Phil, et je me suis écrasée... Je crois que je suis morte...
L'autre rit. La plus jeune se sentit vexée mais ne dit rien. L'interlocutrice le remarqua sûrement, car elle reprit son sérieux et se racla la gorge.
-Excuse-moi, ce n'était pas méchant, vraiment.
L'adolescente la regarda, mélancolique. Elle semblait avoir une vingtaine d'année, peut-être un peu plus, mais ses yeux bleus démentaient une maturité supérieure à l'âge de son corps. Elle avait le visage carrée , le teint légèrement bronzé. Ses cheveux très blonds, bouclés, étaient attachés en une couette serrée et tombaient jusqu'à mi-dos. D'épaisses mèches encadraient quant à elles le visage, le rendant plus harmonieux. Grande, mince, elle était assez jolie en somme.
Elle reprit la parole :
-Si tu as pu toucher l'arbre, tu n'es pas morte, crois-moi.
Sehsa la regarda, interloquée. La blonde désigna le liquide jaune.
-Les morts sont ici. Ils dérivent éternellement en attendant d'être oubliés et de trouver le repos éternel. Connais-tu la légende de la Genèse ?
L'adolescente secoua la tête. Son interlocutrice sourit et se pencha vers elle.
-Il existerait un être originel, nommé dieu, ou même Luca, qui aurait tout crée. C'est lui qui régit l'Équilibre, entre le temps et l'espace. Sans cet Équilibre, rien ne pourrait vivre. Mais le Vice a atteint Luca, qui ne pouvait plus assurer sa fonction.
-Le Vice ?
-Oui, le Vice. Luca était si puissant qu'il pouvait tout faire. Il a crée la vie, et cette vie s'est développée, mais au fil des générations, elle perdait de sa superbe. Les imperfections se sont répandues comme une traînée de poussière.
-Pourquoi... les êtres vivants issus uniquement d'ancêtres parfaits ne l'étaient-ils pas ?
Méline s'assit et adressa un regard de fierté à Sehsa.
-Tu es perspicace.
L'interpellée se sentit rougir.
-Les créations de dieu n'étaient pas aussi puissantes que lui. Sans arrière-pensées, elles tentaient de rendre les choses plus belles ou meilleures. Et c'est là que sont nés les pêchers capitaux.
-La luxure, la gourmandise, la colère, la paresse, l'orgueil, l'envie et l'avarice, récita l'adolescente.
La jeune femme acquiesça en un signe de tête.
-Ce ne sont pas des pêchers en eux-mêmes. C'est quand ils sont en excès qu'ils deviennent vicieux. Et les créations n'ont pas su trouver leurs limites.
Perplexe, Sehsa s'assit avec mille précautions en face de Méline. Elle contempla ses mains ensanglantées. Emplie de soulagement, elle avait presque oubliée à quel point cela faisait mal...
-Quel est le rapport entre ce mythe et cet endroit ? Et est-ce qu'on va pouvoir en sortir ?
-T'inquiète pas, quelqu'un est en route pour venir nous aider.
L'adolescente tourna ses yeux vers la cascade jaune.
-Quelqu'un.... mort ?
-Non, quelqu'un de bien vivant, comme toi et moi !
-Je ne comprends pas... Il y a des morts, mais nous sommes vivantes... et je ne vois personne dans l'eau ! Où on est ?!
Elle sentit son cœur recommencer à battre la chamade. Méline posa une main rassurante sur son genou.
-Nous sommes dans une dimension appelée la Mort. Habituellement, seuls les esprits détachés des corps peuvent y pénétrer, mais des gens spéciaux peuvent y avoir accès en étant tout de même vivant.
-Je suis spéciale ?
-Oui, très.
Mille questions bouillonnaient dans la tête de Sehsa, et elle ne savait pas par où commencer. La jeune femme blonde reprit donc son récit :
-Il y a très, très longtemps, le Vice dont je t'ai parlé et qui était devenu très important, a infecté Luca. Le Vice n'est pas vivant, mais il a finit par développer sa propre volonté. Il veut vivre désormais. Et pour cela, il tuera tous ceux qu'il pensera nécessaire de tuer.
Sehsa frotta nerveusement ses mains, mais la douleur la rattrapa et elle arrêta.
-Les créations de Luca et celles du Vice sont incompatibles. Le Vice est devenu une entité. C'est comme si deux dieux voulaient régir un même territoire. L’Équilibre nécessaire entre le temps et l'espace n'est pas le même entre les deux « peuples ». Mais il n'existe pour chaque camp qu'une seule possibilité d'Équilibre qui, tu peux l'imaginer, n'est pas la même. Tu comprends ?
Sehsa secoua la tête. Méline releva la tête pour réfléchir.
-Comment t'expliquer plus clairement...
-Mél ! Derrière toi !
Un jeune homme venait d'atterrir sur l’îlot. Méline se retourna brusquement. Une main était réapparue et tenta de l'agripper. Elle bondit en arrière et évita l'attaque. Dans son dos, immobiles, Sehsa et le nouvel arrivant se fixaient sans pouvoir bouger. L'adolescente sentit son cœur se serrer si fort que c'en devenait douloureux. Elle ne parvenait pas à détacher son regard des yeux de jade qui ne semblaient pas vouloir la quitter non plus.
Le charme fut interrompu par la jeune femme blonde qui s'interposa entre eux.
-C'est le Vice ! Il faut qu'on s'en aille !
L'homme fut le premier à réagir. Il s'approcha de Sehsa, l'attrapa par la hanche et se s'apprêta à sauter de l'îlot, mais la main gifla violemment Méline qui s'écrasa contre lui. Tomba à plat ventre et lâcha Sehsa dont le corps bascula hors de l'îlot. Elle s'agrippa pour la deuxième fois au bord. Mais ses mains étaient trop abîmées et elle ne tint pas plus de quelques secondes lorsque l'ennemie la saisit et la tira vers le bas.
La jeune femme blonde et son compagnon se précipitèrent pour la rattraper, mais il était déjà trop tard ; ils ne voyaient même plus son corps quand ils tombèrent à genoux à l'extrémité du morceau de terre flottant. Méline resta prostrée tandis que l'homme se releva.
-Khévian, c'était l'élémentaire du vent !
Ce dernier ne réagit pas. Il faisait les cent pas autours de l'arbre. Méline se redressa et alla le rejoindre.
-Tu m'écoutes ?
Agacé, il asséna un violent coup de poing dans l'arbre et sentit ses phalanges casser contre l'écorce et sa peau se fissurer. La cendre imbibée de sang volaient autours des deux rescapés de l'attaque.
-C'est elle, finit-il par souffler.
Perplexe, Méline le regarda sans réagir, puis franchit à pas déterminés la distance qui les séparaient.
-Si c'est elle, va la sauver !
-Il est trop tard !
-Dépêche-toi, ou il sera vraiment trop tard !
-Et si je me fais avoir, moi aussi ?
-Tout ira bien ! Vas-y ou tu le regretteras toujours !
Il hocha la tête et s'approcha de l'endroit d'où Sehsa était tombée. Avant qu'il n'ait pu hésiter, Méline le poussait brusquement dans le dos. Il s'enfonça dans l'abîme où il avait l'espoir de retrouver l'élémentaire.
Voilà voilà ^^ dans le chapitre 3 je décris Sehsa physiquement, promis!